Les personnages :
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Eloïse : une élève qui a participé au harcèlement de Joséphine
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Joséphine : une élève qui s’est fait harceler par le groupe d’Eloïse
Eloïse arrive sur scène. Le décor est celui d’une chambre. Elle s’assoit, prend un stylo et ouvre un carnet : c’est son journal intime. Elle commence à écrire.
Eloïse : Pardonne-moi si je t’ai fait du mal… Pardonne moi … Je suis désolée… Désolée pour toute la méchanceté que tu as pu subir de ma part. Désolée pour toute cette méchanceté gratuite. Il n’y avait même pas de raison. Tu étais juste (elle réfléchit avant d’écrire le mot) différente. Seule, toujours seule dans ta bulle. Et moi, j’ai choisi la facilité. J’ai choisi la méchanceté. Je repense à tous ces moments où tu as dû souffrir. La torture que tu as subi entre ces bureaux. J’imagine ta souffrance lorsque tout la classe se moquait de toi quand tu allais au tableau. Ça a dû être horrible. Si je t’écris ces quelques mots aujourd’hui, c’est pour m’excuser. Je me rends compte à présent que, l’année dernière, j’ai vraiment dépassé les bornes. Au fond tu ne m’avais rien fait.
Elle prend un mouchoir pour essuyer les quelques larmes qui coulent sur ses joues. Avec son autre main, elle attrape un couteau qui est posé sur sa table de chevet, et commence à l’observer. On voit sur son visage que des (mauvais) souvenirs lui reviennent. Elle reprend l’écriture, plus hésitante. Elle pèse ses mots. Puis elle commence à écrire, beaucoup plus rapidement cette fois. Les mots sont pour elle comme un cri du cœur. Elle écrit sans réfléchir réellement :
Moi, j’ai été horrible. Quand je t’ai menacée avec ce couteau que je tiens entre mes doigts en ce moment même, je n’étais plus vraiment moi-même. J’ai honte à présent, j’ai honte. Je sais que rien ne peut justifier le comportement que j’ai eu avec toi. Si j’ai fait cela, peut être que c’était parce que moi aussi je souffrais, au fond. J’étais vraiment tiraillé entre mes amis qui te … torturaient chaque jour, et ma propre volonté. Au final, je crois que c’est l’esprit de groupe qui l’a emporté. Je ne voulais pas, je ne voulais surtout pas être à ta place. Harcelée. A présent je me rends compte de ce que veut dire ce mot. J’espère que tu me pardonneras.
Alors qu’elle a fini d’écrire, elle fond en larmes. D’un seul coup, tout lui semble devenir flou. Eloïse est comme plongée entre le rêve et la réalité. C’est alors que Joséphine s’approche lentement d’elle. Un frisson traverse le corps de la jeune fille. Alors que Joséphine est de plus en plus proche, elle sent de nouveau les larmes lui monter au visage. On sent que c’est dur pour Eloïse de se confronter à elle. Pour briser le silence, elle bafouille:
Eloïse : Ça va?
Joséphine (après plusieurs secondes de silence) : Mieux.
On entend alors une sorte de « voix off » : c’est la voix des pensées d’Éloïse
Voix off : Je commence à bredouiller des excuses, sans parvenir à trouver les mots justes. Tout ce que j’ai écrit il y a quelques instants semble brusquement s’effacer : je n’arrive pas à exprimer ce que je ressens tant je suis submergée par la tristesse et la culpabilité.
Les deux jeunes filles se regardent en silence. Puis, Éloïse ne résiste plus et se jette dans les bras de Joséphine : cela vaut toutes les excuses du monde. Après plusieurs minutes de cette étreinte, Joséphine souffle doucement dans l’oreille d’Éloïse :
Joséphine : Je te pardonne.
A ces mots, les larmes commencent à couler sur le visage d’Éloïse, sans honte, sans peur, sans tristesse.
Voix off : Au fond de moi, je ne la comprends pas vraiment. Moi-même je ne me serai jamais pardonnée. Mais ces mots ont eu un tel effet sur moi que, d’un seul coup, je me sens mieux, comme si tous mes problèmes s’évanouissaient.
A ce moment-là, tout semble redevenir flou à nouveau.
Entre temps le décor a changé, c’est une salle de classe : Éloïse est assise sur l’une des tables, endormie. Elle commence à bouger légèrement. Elle est réveillée, mais n’ouvre pas les yeux.
Voix off : Lorsque je me réveille, je ne sais pas où je suis. Je n’ai pas de souvenirs précis de ce qui vient de se passer mais des images me reviennent dans la tête. C’est comme si ces quelques paroles échangées avec elle m’avaient profondément marquée. C’est fou à quel point de simples mots peuvent faire du bien parfois. Mais ils peuvent aussi faire le mal parfois, malheureusement.
La voix est interrompue dans sa réflexion par un bruit sourd : une sonnerie d’école. Éloïse se réveille péniblement, regarde autour d’elle, s’étire. Elle est étonnée d’être arrivée.
Éloïse (réfléchissant à voix haute) : Je suis au collège ! C’est bizarre, je ne me rappelle pas y être allée ! Mais comment est-ce que j’ai pu y arriver ?? C’est comme si une partie de la journée avait été … supprimée. Je descends les escaliers, machinalement. Je ne suis plus vraiment moi-même, à l’intérieur. Je pense sans penser. C’est très bizarre. Dans la cour de récréation, je la croise. Elle s’approche de moi…
Joséphine : Suis-moi.
Éloïse : Sans réfléchir, je marche derrière elle. Elle m’entraine à nouveau dans les escaliers. Nous montons jusqu’au dernier étage.
Arrivées, Joséphine ouvre une petite porte qui donne sur le toit du collège.
Éloïse : Tiens, il y a une espèce de petit jardin dessus ; c’est fou, je n’y aurais jamais pensé.
Joséphine s’assoit. Éloïse l’imite.
Eloïse : Nous restons comme ça à regarder les oiseaux voler et le vent bruisser dans les feuilles, quelques instants, vingt minutes, une heure, toute la journée, je n’en sais rien. Je n’ai plus aucune notion du temps.
Il passe un certain temps avant que Eloïse lâche :
Eloïse : Je suis tellement désolée…
Éloïse sent qu’elle va à nouveau fondre en larmes, mais Joséphine la réconforte.
Joséphine : Je te comprends, tu sais. Tu n’es pas méchante. Tu t’es juste laissée emporter par l’égoïsme et la peur.
A ces mots, Éloïse redevient vivante, c’est comme si un souffle de vie la traversait. Elle semble revigorée. Elle se relève calmement, paisiblement. Elle se sent énergique, à la limite de l’invincibilité. Elle prend Joséphine dans ses bras. Elles redescendent les escaliers, sans échanger un seul mot. Arrivées en bas :
Eloïse : Et si on repartait de zéro ? Si on recommençait tout ? Je m’en veux tellement, je serai prête à faire n’importe quoi pour devenir ton amie.
Joséphine lui prend la main. Elles commencent à courir, sans raison sans même savoir où elles vont. Elles rient. Elles se sentent liées. La force de l’amitié les unit.
A ce moment-là, le décor change peu à peu pour devenir celui de la chambre. On voit Éloïse dans son lit, se réveiller, s’étirer. Au fur et à mesure qu’elle se prépare, une image apparait sur la scène : c’est une photo de Joséphine avec écrit en légende : Joséphine Basquier, partie trop tôt. Éloïse claque la porte.
Rideau
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