Textes produits en ateliers d’écriture hebdo à distance – printemps 2024
25 Juil
🖌 Leia, 13 ans
L’enfer, c’est le boulot
Dites-moi, à quoi ça sert de dormir finalement ?
Personnellement, je n’y vois plus aucun intérêt. Plus aucun besoin. J’ai eu cette révélation lorsque j’ai obtenu mon premier emploi dans une entreprise de commerce. Un bureau où la devise est : Ta vie, ton job. Je pensais que c’était une phrase qui signifiait que tu devais accomplir de grandes choses. Mais à présent, j’y ajouterai une petite modification : Ton job, c’est ta vie. Le challenge dans cette filiation, c’est lequel fera le plus d’heures sup’ pour avoir la meilleure augmentation. Étant un nouvel employé, j’ai joué le jeu. En faisant ça, sur le chemin, j’ai perdu ma santé, mon hygiène, ma bonne alimentation, mes jours de congé et surtout mon sommeil. Je voulais prouver que je n’étais pas un flemmard. Mais à qui ? Je n’avais ni famille ni amis à qui le montrer. J’ai pris alors une décision radicale, je ne devais plus dormir. J’ai commencé à m’acheter des boissons énergisantes, des shoots de sirops à la caféine puis des drogues. Plus les jours passaient, plus la folie me gagnait. D’abord, ce fut le tour d’hallucinations visuelles. La pire sensation de ma vie. Je voyais des ombres la nuit. Des ombres hideuses qui me transperçaient avec leurs regards vides et leurs sourires démoniaques. Elles se rapprochaient lentement de moi. Leurs mains étaient aussi tranchantes que des couteaux. Leurs respirations jetaient un froid glacial dans toute la pièce. Puis je fus victime d’hallucinations auditives. Les ombres se sont mises à parler. Je pensais tout le temps que quelqu’un m’appelait. Où que je sois. Je commençais à flipper. Donc je mettais des bouchons d’oreilles. Mais malgré cela, je les entendais et les voyais encore et encore. Même si je fermais les yeux, leurs images me hantaient et restaient gravées dans ma mémoire. Un jour, lassé par tout cela, je tentai de me crever les yeux et les oreilles. Je me suis alors rendu compte à temps que je n’allais pas bien et ai appelé l’hôpital en urgence. Les médecins ont décidé de me plonger dans un coma artificiel pour voir comment mon corps réagirait. À mon réveil, ils m’ont assuré que tout allait bien. Je suis reparti la queue entre les jambes, bredouille. J’en avais assez du bruit et de la vue. J’ai fini par faire l’impensable. La folie m’avait gagné pour de bon.
C’est à bord du Mendragon, le plus grand navire de guerre du royaume, qu’elle, une femme, embarquait.
Pour les Insulaires, les femmes étaient des sorcières, des porte-malheurs. Née sur l’ile de Mortsee, elle n’avait pas vu la mer avant ses treize ans. C’est peut-être cette enfance enfermée qui lui avait donné le goût du voyage. Éris avait hâte de découvrir la Mer desséchée, ses peuples, sa culture, ses traditions. Celle-ci sortit de ses pensées quand elle croisa le regard d’un homme, il n’avait sûrement jamais vue de femmes de sa vie. La plupart d’entre elles étaient cloitrées dans la maison de leurs familles.
Une fois seule, elle repensa aux vieux contes qu’on lui racontait étant petite. Elle rêvait des Vertes-terres et de Vers d’étoiles. Elle sentit alors une odeur de brûlé, une odeur accompagnée de cris, de cris de douleur. Un homme en toge blanche, descendit dans la cale. Il saisit un couteau et se jeta sur elle. Éris esquiva puis s’empara de sa lame et perça le cœur de son adversaire. Une marée de sang inonda alors le sol.
***
🖌 Toscane, 17 ans
Dialogue avec un tueur
Milo avait vu l’homme se cacher derrière deux troncs d’arbre. Il était rapide et si Milo avait cligné des yeux, il l’aurait manqué. Mais Milo avait gardé ses yeux grands ouverts.
« -Je sais que tu es là. Ça ne sert pas vraiment de te cacher maintenant… »
Milo avança d’une voix qui ne se voulait pas hostile mais aucun mouvement derrière les arbres ne se laissait dévoiler.
« -J’ai compris la logique, ton puzzle. Ça m’a pris du temps, tu sais ? Je pense que tu sais, tu voulais que ça me prenne du temps… » Milo soupira « Mais je ne pense que pas tu t’attendais à ce que je vienne ici ? Tu aurais préféré que je cours ? » Il y avait une partie de Milo qui le poussait toujours à être trop curieux. Il ne se disait pas souvent que ça lui attirerait des ennuis. Enfin maintenant c’était trop tard pour penser aux ennuis.
« Tu aurais préféré que je me cache, que je change de pays, de nom ? Pour ne pas que tu me retrouves ? Ça t’aurait peut-être plu…Tu voulais peut-être te dégourdir les jambes une dernière fois… »
Il n’y eu pas de réponse, pas de mouvement, une soudaine impression dérangeante qu’il parlait dans le vide… Mais Milo savait qu’il avait vu l’assassin se cacher derrière l’arbre il y a à peine deux minutes. Il tenta une nouvelle approche.
« J’ai compris ton puzzle. » Il répéta.
« Tu as commencé avec la femme de chambre. C’est elle qui a parlé à ta mère du jardin d’Eden, n’est-ce pas ? Elle avait une liste de suivants dans sa poche, la police a reconnu le nom de ta troisième victime. C’était une vieille femme, tu n’avais besoin que d’un oreiller. Puis tu as puni ton oncle, celui qui vous a abandonné au jardin d’Eden. Je ne l’ai compris que récemment. La ressemblance entre vous deux est frappante, tu le sais ? Enfin je pense que tu le sais… Est-ce que tu te détestes pour ça ? Trois balles dans l’abdomen, une très bonne précision, tu t’étais entrainé. Puis il y a eu ta troisième victime. Celle qui n’a fait qu’écouter et suivre les conseils des autres. Jusqu’à ce qu’elle arrive dans le jardin. Ta mère qui a refusé d’entendre tes plaintes et tes doutes… Celle qui a donné tout votre argent à un gourou et quand vous n’en aviez plus, celle qui a donné votre sang. Sur le corps, on pensait que les cicatrices rouges étaient infligées par l’agresseur. Mais elles dataient d’un peu trop tôt… Tu as été clément avec elle. Un peu trop de somnifère dans son verre. Tu ne voulais pas la faire souffrir. » Là Milo vit l’arbre bouger. Une réaction. Milo aurait été étonné du contraire. Un moment il ne voulut pas continuer l’histoire sordide mais l’homme derrière l’arbre ne bougeait plus. Milo avala sa salive.
« Tu ne voulais pas laisser le gourou à la police. Il était à toi. Avec lui, tu n’as pas été clément. Le corps était saccagé, plus de mains, une écorche à la gorge assez petite pour le faire souffrir longtemps. Tu avais volé de l’argent dans son coffre. Pour faire croire à un meurtre d’intérêt. C’est moi qui ai trouvé l’argent dans la maison de ta mère, sous une calle dans l’escalier. Tu lui as rendu ce qu’elle avait donné. Je sais que tu as laissé le reste de la secte à la police. Tu voulais qu’ils trouvent eux même pour le reste. Tu as laissé des indices, ici l’adresse du jardin, là une liste des hauts placés… Tu avais ta propre liste à toi. » Milo soupira.
« Je sais que je suis le prochain. Tu m’en veux d’en être sorti. Tu m’en veux d’avoir eu des parents lucides, plus lucides que les tiens. Tu m’en veux d’avoir été sauvé. C’est personnel, tu m’en veux personnellement. Tu sais que je n’ai que peu de souvenirs du jardin ? Tu es sorti bien après moi, tu te souvenais de mon visage alors que pour moi, tu étais effacé. Je me souviens de toi, maintenant. Je sais qui tu es. Je t’ai retrouvé dans mon inconscient au fil du puzzle. L’as-tu fait pour moi ? Pour m’attirer à toi ? Pour le coup final, ta dernière vengeance ? »
Milo vit l’arbre bouger à nouveau, il voulait voir le tueur sortir. Il avait mis des mois à tirer le fil conducteur d’une énigme sans fin, ce n’était pas pour parler à un trouillard !
« Voulais-tu que je fuie ? Tu as construit cette énigme pour moi, pensais-tu que je j’allais me cacher ? » Milo reprit.
« Elios, je me suis caché toute ma vie. J’ai tenté d’être introuvable de la secte. Qu’elle ne me reprenne jamais. Mais finalement elle m’a retrouvée, tu m’as retrouvé. C’est assez ironique, tu as repris le rôle de la chose que tu as détruite. Par vengeance. Mais je suis fatigué maintenant. Je ne veux plus courir, plus me cacher. J’ai marché jusqu’ici, je suis tombé dans ton piège volontairement. Si tu veux en finir, je ne te donnerai pas de peine. »
C’est là que la figure d’Elios sortit lentement de la forme des arbres pour regarder Milo dans les yeux. Milo teint son regard.
Le poème qui suit a été produit à l’occasion du Printemps des poètes (mars 2024, thème La Grâce)
J’accueille
J’accueille ce soleil brûlant Qui vient chasser ces nuages Cette bulle de négativité Toute la grisaille accumulée. J’accueille toute la nouveauté Qui vient illuminer et irradier Tous ces jours semblables enchaînés
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