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🖌 Antonin, 14 ans
Éris

C’est à bord du Mendragon, le plus grand navire de guerre du royaume, qu’elle, une femme, embarquait.
Pour les Insulaires, les femmes étaient des sorcières, des porte-malheurs. Née sur l’ile de Mortsee, elle n’avait pas vu la mer avant ses treize ans. C’est peut-être cette enfance enfermée qui lui avait donné le goût du voyage. Éris avait hâte de découvrir la Mer desséchée, ses peuples, sa culture, ses traditions. Celle-ci sortit de ses pensées quand elle croisa le regard d’un homme, il n’avait sûrement jamais vue de femmes de sa vie. La plupart d’entre elles étaient cloitrées dans la maison de leurs familles.
Une fois seule, elle repensa aux vieux contes qu’on lui racontait étant petite. Elle rêvait des Vertes-terres et de Vers d’étoiles. Elle sentit alors une odeur de brûlé, une odeur accompagnée de cris, de cris de douleur. Un homme en toge blanche, descendit dans la cale. Il saisit un couteau et se jeta sur elle. Éris esquiva puis s’empara de sa lame et perça le cœur de son adversaire. Une marée de sang inonda alors le sol.
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Milo avait vu l’homme se cacher derrière deux troncs d’arbre. Il était rapide et si Milo avait cligné des yeux, il l’aurait manqué. Mais Milo avait gardé ses yeux grands ouverts.
« -Je sais que tu es là. Ça ne sert pas vraiment de te cacher maintenant… »
Milo avança d’une voix qui ne se voulait pas hostile mais aucun mouvement derrière les arbres ne se laissait dévoiler.
« -J’ai compris la logique, ton puzzle. Ça m’a pris du temps, tu sais ? Je pense que tu sais, tu voulais que ça me prenne du temps… » Milo soupira « Mais je ne pense que pas tu t’attendais à ce que je vienne ici ? Tu aurais préféré que je cours ? » Il y avait une partie de Milo qui le poussait toujours à être trop curieux. Il ne se disait pas souvent que ça lui attirerait des ennuis. Enfin maintenant c’était trop tard pour penser aux ennuis.
« Tu aurais préféré que je me cache, que je change de pays, de nom ? Pour ne pas que tu me retrouves ? Ça t’aurait peut-être plu…Tu voulais peut-être te dégourdir les jambes une dernière fois… »
Il n’y eu pas de réponse, pas de mouvement, une soudaine impression dérangeante qu’il parlait dans le vide… Mais Milo savait qu’il avait vu l’assassin se cacher derrière l’arbre il y a à peine deux minutes. Il tenta une nouvelle approche.
« J’ai compris ton puzzle. » Il répéta.
« Tu as commencé avec la femme de chambre. C’est elle qui a parlé à ta mère du jardin d’Eden, n’est-ce pas ? Elle avait une liste de suivants dans sa poche, la police a reconnu le nom de ta troisième victime. C’était une vieille femme, tu n’avais besoin que d’un oreiller. Puis tu as puni ton oncle, celui qui vous a abandonné au jardin d’Eden. Je ne l’ai compris que récemment. La ressemblance entre vous deux est frappante, tu le sais ? Enfin je pense que tu le sais… Est-ce que tu te détestes pour ça ? Trois balles dans l’abdomen, une très bonne précision, tu t’étais entrainé. Puis il y a eu ta troisième victime. Celle qui n’a fait qu’écouter et suivre les conseils des autres. Jusqu’à ce qu’elle arrive dans le jardin. Ta mère qui a refusé d’entendre tes plaintes et tes doutes… Celle qui a donné tout votre argent à un gourou et quand vous n’en aviez plus, celle qui a donné votre sang. Sur le corps, on pensait que les cicatrices rouges étaient infligées par l’agresseur. Mais elles dataient d’un peu trop tôt… Tu as été clément avec elle. Un peu trop de somnifère dans son verre. Tu ne voulais pas la faire souffrir. » Là Milo vit l’arbre bouger. Une réaction. Milo aurait été étonné du contraire. Un moment il ne voulut pas continuer l’histoire sordide mais l’homme derrière l’arbre ne bougeait plus. Milo avala sa salive.
« Tu ne voulais pas laisser le gourou à la police. Il était à toi. Avec lui, tu n’as pas été clément. Le corps était saccagé, plus de mains, une écorche à la gorge assez petite pour le faire souffrir longtemps. Tu avais volé de l’argent dans son coffre. Pour faire croire à un meurtre d’intérêt. C’est moi qui ai trouvé l’argent dans la maison de ta mère, sous une calle dans l’escalier. Tu lui as rendu ce qu’elle avait donné. Je sais que tu as laissé le reste de la secte à la police. Tu voulais qu’ils trouvent eux même pour le reste. Tu as laissé des indices, ici l’adresse du jardin, là une liste des hauts placés… Tu avais ta propre liste à toi. » Milo soupira.
« Je sais que je suis le prochain. Tu m’en veux d’en être sorti. Tu m’en veux d’avoir eu des parents lucides, plus lucides que les tiens. Tu m’en veux d’avoir été sauvé. C’est personnel, tu m’en veux personnellement. Tu sais que je n’ai que peu de souvenirs du jardin ? Tu es sorti bien après moi, tu te souvenais de mon visage alors que pour moi, tu étais effacé. Je me souviens de toi, maintenant. Je sais qui tu es. Je t’ai retrouvé dans mon inconscient au fil du puzzle. L’as-tu fait pour moi ? Pour m’attirer à toi ? Pour le coup final, ta dernière vengeance ? »
Milo vit l’arbre bouger à nouveau, il voulait voir le tueur sortir. Il avait mis des mois à tirer le fil conducteur d’une énigme sans fin, ce n’était pas pour parler à un trouillard !
« Voulais-tu que je fuie ? Tu as construit cette énigme pour moi, pensais-tu que je j’allais me cacher ? » Milo reprit.
« Elios, je me suis caché toute ma vie. J’ai tenté d’être introuvable de la secte. Qu’elle ne me reprenne jamais. Mais finalement elle m’a retrouvée, tu m’as retrouvé. C’est assez ironique, tu as repris le rôle de la chose que tu as détruite. Par vengeance. Mais je suis fatigué maintenant. Je ne veux plus courir, plus me cacher. J’ai marché jusqu’ici, je suis tombé dans ton piège volontairement. Si tu veux en finir, je ne te donnerai pas de peine. »
C’est là que la figure d’Elios sortit lentement de la forme des arbres pour regarder Milo dans les yeux. Milo teint son regard.
Photo de Rachel McDermott
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🖌 Adèle, 16 ans
Le poème qui suit a été produit à l’occasion du Printemps des poètes (mars 2024, thème La Grâce)
J’accueille
J’accueille ce soleil brûlant
Qui vient chasser ces nuages
Cette bulle de négativité
Toute la grisaille accumulée.
J’accueille toute la nouveauté
Qui vient illuminer et irradier
Tous ces jours semblables enchaînés

Photo de Henry Ren