Textes produits en atelier d’écriture – 10 juillet 2023

🖌 Ismaël, 14 ans

Colocation

 

Guizmo entra dans sa nouvelle maison. Elle était vraiment petite, avec la pièce principale contenant deux lits et une porte au fond qui abritait une douche et des toilettes. Guizmo était un grand métisse au crâne rasé avec des abdos en acier. Il portait une combinaison orange. Son nouveau colocataire était déjà là. C’était un vieil homme dont la barbe descendait jusqu’à la moitié de son ventre et ne faisait plus qu’une avec ses cheveux. Il ressemblait à un naufragé. Il portait lui aussi une combinaison orange.

-Salut, le nouveau. Comment tu t’appelles ?

-Guizmo.

-Tes parents ne t’aimaient pas, Guizmo. T’es là pour combien de temps ?

-Cinq ans.

-Et tu vivais de quoi avant de venir ici ?

-Ça te regarde pas.

-Si tu le prends comme ça…

Guizmo rejoignit son lit. Les deux hommes attendirent une heure, puis quelqu’un toqua à la porte. Le vieil homme se leva et la porte s’ouvrit. Il prit un paquet qu’on lui tendait et rentra.

-Voilà le repas, annonça-t-il.

-Qu’est-ce que c’est ?

-Du gruau. Tu aimes ça ?

-Tu plaisantes, j’espère ?

Le vieil homme rigola puis lui donna sa part. Ils mangèrent en silence.

-D’ailleurs, vieil homme, tu ne m’as pas dit ton nom.

-Je te le dirais si tu me racontes pourquoi tu es ici.

-Ce n’est pas très équitable, mais c’est d’accord. J’ai pris cinq ans pour trafic de drogue. Ça marchait bien, j’étais devenu le dealer local. Jusqu’au jour où ils m’ont pincé. Enfin, heureusement qu’ils n’ont pas découvert le corps que j’ai caché dans le bâtiment quatre, sinon j’aurais pris le double.

-Passionnant, Guizmo, passionnant, dit le vieil homme qui avait l’air de s’ennuyer à en mourir.

-Tu dois me donner ton nom, maintenant.

-Hum… Santiago.

-T’es sûr que c’est ton vrai nom ?

-Oui, oui, je l’avais juste un peu oublié.

-Menteur, vas.

Puis ils se recouchèrent pour la sieste d’après gruau.

-Et pourquoi t’es là, Santiago ?

-J’étais un pirate. On attaquait les bateaux du détroit de Gibraltar, avec mon équipage, et on volait leur pétrole. On nous surnommait « les rats noirs », rats parce qu’on était vicieux, noir pour le pétrole…

-Merci, j’avais compris, le coupa sèchement Guizmo.

-Enfin bref. Tout se passait bien, on était riches. Mais un jour, des policiers se sont cachés dans un bateau pour nous tendre une embuscade. On s’est battu et on allait gagner quand soudain, « il » a surgit des mers.

Le silence se fit. Puis, Guizmo prit la parole.

-T’attends que je demande qui est « il » ?

Santiago hocha la tête.

-Alors qui est « il » ?

-Le cauchemar des marins. Le kraken. Il a saisi mes hommes dans ses tentacules et les a entrainés dans les profondeurs. Les policiers aussi. Il ne restait plus que moi de mon équipage et un policier en a profité pour m’assommer lâchement par derrière.

Le silence arriva de nouveau.

-Tu sais, Santiago, après avoir entendu ta super histoire, je me sens coupable. En vérité, j’étais pas dealer. J’ai volé un petit paquet de bonbons dans une station-service, mais on m’a vu et poursuivi. J’ai heurté en courant un tuyau de pompe à essence qui s’est décrochée et dans ma chute, mon briquet est tombé de ma poche. Ils ont cru que je voulais mettre le feu et ils m’ont envoyé ici.

-Et les muscles ?

-J’étais accro aux sucreries et à la muscu.

-Et bien, Guizmo, moi aussi j’ai menti. En vérité, je m’appelle Réginald, et je suis pas pirate. J’essayais un costume de pirate dans un magasin quand un braqueur armé est entré. J’avais peur pour ma vie donc je l’ai poursuivi avec mon sabre en plastique pour le chasser, mais il a cru que c’était un vrai et il a couru. La police nous a arrêtés pour règlements de comptes à main armée. Ça fait dix ans que je suis là.

Guizmo et Réginald se mirent à pleurer, puis ils devinrent amis menteurs.

Photo de Jonathan Kemper sur Unsplash