Sélection de textes produits en atelier d’écriture à distance – 24 au 28 octobre 2022

🖌 Jérémy, 14 ans

L’horloge qui se mord la queue

C’était une drôle d’assemblée…

Très hétéroclite, avec une femme typée asiatique, l’air malicieux, vêtue d’une robe noire faisant ressortir la belle couleur cuivrée de sa peau, un homme à l’allure d’un gobelin échappé d’un roman, les oreilles pointues le nez court et une quantité de cheveux négligeable. Une autre femme avait, elle, une chevelure rousse presque flambante et des yeux d’un vert d’émeraude, qui accentuaient la beauté de la tenue qu’elle portait. Un deuxième homme aux yeux et cheveux bruns, et des taches de rousseurs mises en valeur par les couleurs éclatantes de son ample tenue. Et enfin l’animateur de la séance, qui me faisait peur avec son air patibulaire et son aspect d’homme sauvage, les cheveux en bataille et une longue barbe hirsute.

Par la suite, j’ai beaucoup sympathisé avec l’homme brun avec qui je me suis trouvé beaucoup de points communs, et celui avec la tête de gobelin qui, lui, avait du savoir à en revendre et qui put nous apprendre beaucoup de choses sur d’innombrables sujets.

–   Bonjour et bienvenue à la 56ème réunion annuelle de la Guilde des Horlogers, était le refrain habituel que nous servait Pascal, l’homme à l’air patibulaire qui était en fait doux comme un agneau ; sauf que cette fois il ajouta d’un air ému :

–   C’est un honneur d’accueillir dans notre assemblée le plus célèbre et le plus éminent d’entre nous, le Professeur Mugaroc, inventeur du Mouvement Perpétuel à Cycle Astral, dit-il, ce qui en gobelbabil donne: gaberdibul mouchzec.

Et j’appris seulement l’année d’après qu’il était en fait vraiment un gobelin.

Et quand il prit la parole, le brouhaha qui avait suivi la déclaration de Pascal pris fin si vite que le silence qui accompagnait les paroles de Mugaroc sembla abyssal :

– Humains, mâles et femelles, c’est un plaisir de vous voir ici assemblés pour me venir en aide, dit-il.

Nous échangeâmes des regards surpris.

–   Je suis au regret de vous informer que le prototype de l’Horloge à Mouvement Astral ainsi que tous les travaux de recherche ayant mené à sa conception ont disparu suite à une entrée par effraction d’au moins une demi-douzaine de vos semblables. Nous avons aussi retrouvé la marque de la Garde Blanche à la place des notes dérobées.

Le tumulte qui en suivit donna lieu à penser que nous étions une cinquantaine et non-pas sept.

–   Si vous êtes ici c’est que la GSGH (Guilde Secrète de la Guilde des Horlogers) vous à jugés aptes à mener à bien la mission de retrouver ladite horloge, dans la plus grande discrétion. Le tumulte reprit, une accalmie puis un autre tumulte, puis le silence. À ce moment un pan du mur s’ouvrit, laissant apparaitre une grande salle occupée uniquement par des colonnes de marbre et un immense bureau auquel étaient assis un homme, vêtu de jaune, et une femme, vêtue de bleu, c’eut été si facile d’avoir les deux d’un coup. Quand nous fûmes alignés devant le couple, la femme pris la parole :

–   Jeunes gens, depuis l’Effondrement, la durée de l’heure est entièrement régie par les Horlogers, eux qui en 2000 ont su remettre à l’heure tous les appareils qui la donnaient et qui avaient été déréglés par le changement de millénaire. Ils en ont profité pour connecter l’ensemble des appareils à l’Horloge Centrale. Cette même Horloge permet de réguler le PIB mondial en fonction des besoins du marché. L’impression que certaines journées sont plus longues que d’autres n’en est en fait pas une, l’Horloge décide combien de temps le monde travaille.

A ces mots, Pascal se jeta de son propre chef du 14ème étage.

–  Mais cette Horloge que nous venions de changer et qui permet au monde de tourner rond vient d’être dérobée par la Garde Blanche. C’est à vous de la retrouver.

Nous décidâmes de partir chacun de notre côté, je n’évoquerai ici ce que j’ai fait ensuite car toute cette paperasse que j’ai dû feuilleter n’est guère intéressante… Le QG décida ensuite de nous rappeler pour que nous discutions de nos découvertes. Là, mon alter égo, avec qui j’avais sympathisé, révéla qu’il avait découvert l’emplacement de la base de la Garde Blanche.

–   Déjà ! me dis-je aigrement.

Mugaroc suggéra de s’y rendre de ce pas, ce que tout le monde accepta. Et c’est comme ça que nous partîmes à l’assaut.

*

Il était 14 heures du soir quand nous atterrîmes sur le toit d’un bâtiment quelconque de la capitale. La femme typée découpa les pans de verre de la toiture. C’est à ce moment que l’orage se déclara. En fait ce fut deux orages, un orage physique, de pluie et de tonnerre, et un orage philosophique, qui lui gronda en moi, moi dont la tâche était si dure à accomplir. Je sautai au travers de la verrière. Moi qui pensais avoir fait mon choix depuis longtemps, je n’en étais à présent plus aussi sûr. Nous descendîmes d’un étage, de deux, le combat qui s’était engagé en moi semblait ne plus jamais prendre fin. Le troisième étage atteint, mon pistolet dans la poche intérieure de ma veste, prêt. De moins en moins sûr de vouloir m’en servir. Et là dans la septième pièce à droite du troisième étage, une fusillade s’engagea, le brun et la rousse, dont j’avais préféré ne jamais apprendre les noms, furent tués sur le coup, les autres eurent le temps de se mettre à couvert. Un éclair d’argent et une lame traversa l’asiatique et alla se ficher dans le mur opposé. Le professeur qui avait sorti des petits javelots de la taille d’un crayon, avait eu cinq de mes six compagnons de la Garde Blanche.  Le dernier tenait Mugaroc à présent en joue.

–   Achève-le, Fox, fit Alpha.

Je regardai Mugaroc, puis Alpha, puis Mugaroc. Ce dernier s’adressa à moi :

–   Fais ce qui est bien plutôt que ce qui est facile, Fox.

Une seconde puis….

Pan.

*

–   Et si nous vous avons réunis ce soir, c’est pour célébrer la nomination de Fox Terrier au poste de Maître de Guilde des Horlogers, annonça l’homme vêtu de jaune.

_____

🖌 Léonie, 13 ans

Au-delà du vent

C’était une drôle d’assemblée.

Il y avait un jeune homme blond, chemise délavée, trapu, regard doux, semble accueillant.

Une vielle femme aux cheveux blanc, avec une canne, le regard strict, elle ressemblait à une sorcière.

Une femme aux yeux bleus, les cheveux noirs, les lèvres rouges, le regard perçant mais expressif, avec une jupe étrange tout comme elle, ce qui fut confirmé quand celle-ci prit la parole.

Un homme en costard cravate, aux cheveux mi-gris mi-roux, ce qui faisait un mélange douteux.

Une femme, grande, jean, chemisette, talons, qui semblait tout à fait aimable mais qui se plaignait sans arrêt.

Puis un grand type avec des cheveux d’un jaune fluo à en crever les yeux, qui était vautré sur sa chaise et jouait avec ses doigts.

*

– Bon Élise c’est à toi maintenant ! s’écria joyeusement le jeune animateur.

La femme à la jupe étrange s’avança d’un pas timide vers l’animateur.

– Bon, Élise, on va commencer par se présenter d’accord ? proposa-t-il.

– Vous aimez les chevaux ? questionna la dénommée Élise.

– Les chevaux ?! pourquoi me parlez-vous de chevaux ?

– Bah vous vouliez que je me présente !

– Ah parce que vous êtes un cheval, peut-être ?

La jeune femme sembla insultée. Elle serra les pans de sa jupe très fort dans ses mains. Puis après quelques secondes, elle reprit ses esprits et répondit à la question posée.

– Non, je ne suis pas un cheval.

– Bon, pour changer de sujet, quel âge avez-vous ?

La jeune femme eu un sourire qui lui monta jusqu’aux oreilles et répondit :

– 26 ans, et vous ?

L’homme sembla une deuxième fois surpris mais répondit quand même :

– 28 ans. Mais ce n’est pas la question.

– Si, justement.

– Bon, alors pourquoi êtes-vous ici ?

– Bah vous ne le savez toujours pas ? questionna la jeune femme, ahurie.

– Non, pourquoi je le saurais ? 

– Etes-vous stupide ? s’emporta Élise.

– Non, bien sûr que non mais…

– Vous ne faites donc vraiment pas attention à ce que je dis, s’indigna la jeune femme.

– D’accord, désolé. Bon, maintenant pouvez-vous s’il vous plait nous dire pourquoi vous êtes là. 

– A cause des chevaux.

– Des chevaux ? encore ça ?

– Oui, ils me font très mais alors très, très peur, expliqua Élise, en tremblant.

– Mais pourquoi vous font-ils peur ? s’intéressa l’homme.

– Je ne sais pas pourquoi mais… c’est peut-être à cause de leurs yeux !

– Pourquoi leurs yeux ?

– Car il y a des mouches dessus et surtout, ils sont de chaque côté de la tête et pas devant comme nous.

– Vous savez que les chèvres ont ça et les pigeons aussi !

– Oui je sais, mais tous les animaux comme ça, ils me font peur.

Il eut un silence, que l’animateur brisa après quelques secondes :

– Bon Élise, pouvez-vous aller vous assoir, on va passer à une autre personne maintenant.

– Ah bon, déjà, bon et bien à tout à l’heure alors, monsieur, dit-elle en allant vers sa chaise.

– Oui c’est ça, à tout à l’heure.

*

La soirée était bien avancée quand tout le monde avait pu parler de sa phobie, de son traumatisme, ou tout simplement de sa folie.

– A demain ! clama l’animateur, nommé Hugo.

*

– Bon, qui veut commencer ?

L’homme aux cheveux fluo, nommé Rémi, leva la main.

– Bon bah très bien Rémi, alors nous vous écoutons !

L’homme se leva, visiblement nerveux, il hésita puis prit la parole :

– Alors déjà, je voudrais vous dire bonjour.

– Bonjour, répondit l’assemblée.

– Et après, pour le fait que je cherche toujours des tomates, c’est parce que mon père était jardinier et en cultivait, mais un jour il y eut une grande sécheresse, et en conséquence elles devinrent toutes rabougries. Et c’est à partir de là que je me suis mis à les chercher à tout prix. Voilà.

Il s’assit à toute vitesse sur sa chaise et reprit son souffle. Puis Hugo les fit parler à tour de rôle mais en faisant en sorte qu’Élise passe en dernier, comme pour la punir de ce qu’elle lui avait dit la veille. Après trente minutes il ne restait plus que la jeune femme à passer.

– Bon, Élise, c’est à toi de parler, là !

La jeune femme se leva tout en souriant.

– Bon, d’où vient ta phobie pour les chevaux ?

– On n’appelle pas ça comme cela ! Ça s’appelle de l’équinophobie ou hippophobie.

– Bon si tu veux, alors dit nous pourquoi tu as de l’hippo… machin truc là !

– Ça s’appelle de l’hippophobie, c’est une peur ou une panique d’origine psychologique, à l’égard des chev…

– Bon ça va comme ça ! vous n’allez quand même pas nous réciter le dictionnaire ! dites-nous juste pourquoi.

La jeune femme fit les gros yeux et répondit très distinctement :

– C’est un secret !

Et elle se rassit.

– Et bien, il faut que vous nous le disiez. Sinon nous ne pourrons pas vous aider.

– Non.

– Si !

– Non !

– Si !

– Mais non !

– Mais si !

Cette petite discussion dura une dizaine de minutes après quoi Elise craqua :

– Vous m’énervez, à la fin ! je ne suis pas obligée de vous raconter ma vie !

– Si.

– Non.

– Si !

– Non !

Avant même qu’Hugo ne put protester, Elise se mit à pleurer.

– C’est parce que je me suis pris un coup de sabot dans la tête que je suis folle, et en plus que j’ai peur des chevaux… c’est bon, vous êtes content, maintenant que vous m’avez vue pleurer et avouer que je suis folle ?

L’animateur ne sut que répondre.

– Allez, répondez ! hurla Elise.

– Non, non, je suis désolé pour vous, je ne voulais pas… je suis désolé !

Il s’approcha de la jeune femme, mais celle-ci le repoussa.

– Vous croyez vraiment que je vais laisser passer ça ? vous m’avez humiliée devant tout le monde ! je ne vous pardonnerai jamais !

Sur ce, elle sortit tout en grommelant des mots inaudibles.

*

Une semaine était passée sans voir Élise. Tout le monde était triste. Hugo se sentait très mal. Mais celui qui était le plus touché était Rémi, qui avait avoué que le jour, le malheureux jour où Elise s’était blessée à la tête, il était là.

– C’est comme avec l’incendie de Notre-Dame de Paris, s’écria-t-il, mélancoliquement.

– L’incendie, mais quel est le rapport avec Élise ? questionna Hugo.

Rémi soupira et expliqua :

– Avant l’incendie, je passais tous les jours devant Notre-Dame, sans m’en soucier. Mais quand Notre-Dame a craché des flammes, nous, nous avons versé des larmes ! c’est là que je me suis rendu compte que j’avais besoin de cette cathédrale. Alors, il faut apprendre à aimer ce que l’on a, avant que la vie nous oblige à aimer ce que l’on a perdu !

Rémi était debout sur sa chaise et l’assemblée resta bouche-bée devant ce discours. Hugo s’avança et dit :

– Oui, oui, je vois ce que tu veux dire… Notre-Dame… nous l’avons reconstruite et nous avons changé les pièces cassées… mais Rémi, vous êtes un génie !

Sur ce, il alla enlacer Rémi à l’en étouffer.

– C’est bon, dit celui-ci, à l’agonie.

Hugo le lâcha et s’écria :

– Allons faire de même avec Élise !

– Bravo, vous avez réussi à surmonter votre tic Hugo. C’est génial ! le félicita Rémi.

– Bah quel tic ? je n’ai pas de tic moi, répondit Hugo.

Rémi leva les yeux au ciel.

– Non désolé, je me suis trompé de personne. Faisons ce que vous venez de dire.

– Bon d’accord. Alors allons tous ensemble chez Elise.

L’assemblée se dirigea vers la porte, sortit, et marcha jusqu’à la maison d’Élise. Hugo se mit accroupi et vers l’arrière, certain que la jeune femme n’allait pas le laisser entrer. L’homme en costard (nommé Hubert) sonna une fois, deux fois, trois fois, jusqu’à ce qu’une voix s’élève au loin :

– Qui est-ce ?

– C’est l’assemblée !

Élise ouvrit la porte. Elle portait une robe des plus étrange : rouge, bleu et vert fluo.

– Si Hugo est là, je veux qu’il s’en aille, dit-elle.

Celui-ci ne bougea pas. Élise fit donc entrer tout le monde et ne vit pas le jeune homme s’infiltrer chez elle. La jeune femme s’assit sur son canapé orange et proposa des fauteuils douteux à ses invités, qui les prirent quand même.

– Alors… comment-ça va toi ? questionna Hubert.

– Très bien, et vous ? répondit Élise.

Hubert fit une grimace et déclara :

– Très mal, car vous n’êtes plus là ! on ne peut pas faire cette assemblée sans vous : vous êtes notre rayon de soleil ! alors, par pitié, revenez avec nous.

Élise sourit mais protesta :

– Je ne peux pas revenir.

– Mais pourquoi ?

– C’est Hugo ! je ne peux plus le supporter !

Hugo, qui était caché derrière le second canapé sur lequel Rémi était assis, ne put réagir de peur d’être repéré. Mais il se glissa sous le « fameux » canapé pour mieux voir ce qui se passait. La discussion dura une bonne heure, pendant laquelle Hugo s’endormit.

– Bon il se fait tard, je pense que je vais rentrer, dit la vielle sorcière, nommée Gilberte.

– Oui, moi aussi.

– Et moi de-même.

– Et moi donc !

Toute cette « drôle » d’assemblée défila devant Élise en lui souhaitant une bonne fin de soirée, les uns la remerciant, les autres la suppliant une dernière fois de revenir.

Une fois tout le monde sorti, Élise put enfin se détendre : elle entreprit d’aller prendre une douche et après cela, de regarder un film. Elle se leva donc de son canapé, marcha sur le parquet grinçant ce qui réveilla Hugo, complètement en panique.

Élise monta les escaliers et alla dans la salle de bain. Pendant ce temps, Hugo, ignorant que ses compagnons étaient partis, se remit en position : allongé, face contre terre (un peu comme un espion). Mais il ne vit personne. Panique à bord !!!! il s’extirpa du canapé pour bouger normalement et commença à faire les cents pas pour réfléchir.

Le parquet grinçait mais ça ne le détournait pas de ses pensées. Il aurait pu rester des heures à réfléchir, si le bruit n’avait pas alerté Élise… pourtant bercée par le bruit de son bain.

Elle attrapa un peignoir, le noua à la taille et descendît prudemment pour voir ce qu’il se passait.

Hugo, pris dans ses pensées, n’entendit pas la jeune femme descendre.   

– Hugo ? Mais qu’est ce que vous faites ici ? cria la jeune femme

Hugo, pris de court, répondit :

– En fait, je suis venu pour m’excuser.

– Et vous étiez obligé de faire cela chez moi, dans mon salon ?

– Non, bien sûr. Mais j’avais peur que vous n’acceptiez pas de me parler au téléphone.

– Oui et bien, vous avez totalement raison, je ne veux pas vous entendre alors sortez de chez moi tout de suite !!!

– Non, jamais je ne ferai cela.

– Si, vous allez sortir, et vite… dit-elle en se plantant devant lui et, lui prenant l’oreille, elle l’amena à la porte.

– Aïe, aïe, fit Hugo.

– Oh arrêtez de faire votre chochotte, répondit méchamment Élise.

Elle ouvrit la porte et le flanqua dehors.

Hugo sonna la porte. Mais elle n’ouvrit pas, et lui cria :

– Je n’ouvrirai pas la porte, sous AUCUN prétexte.

Il se mit à neiger, Hugo n’était pas habillé pour ce temps. Alors, frigorifié et dépité, il commença à s’éloigner.

Tout en marchant, il lui vint une idée. Il fit demi-tour et cette fois-ci, il se planta devant la véranda d’Élise.

Il aperçût la jeune femme vêtue d’un pyjama des plus extravagants, bleu moucheté d’orange. Elle était affalée dans le canapé en train de regarder la télévision.

Il toqua à la fenêtre, Élise se retourna, le vit (le nez rouge, en se frottant les bras pour se réchauffer), et eut surement pitié de lui car elle ouvrit la fenêtre.

– Mais enfin, que voulez-vous ? dit-elle d’un ton calme.

– Je croyais que vous ne vouliez pas me voir.

– Non, ce n’est pas vrai… c’était une mauvaise blague, un peu maladroite.

– Je voulais vous présenter des excuses.

– Pas la peine, vous êtes pardonné.

– Vraiment ?!

– Oui bien sûr. Voulez-vous entrer et regarder un film avec moi ?

– Si cela ne vous dérange pas, j’accepte avec plaisir !

Elle l’invita à s’assoir sur le canapé parallèle au sien et elle insista pour qu’il choisisse le film.

Il s’exécuta et choisit finalement « Danse avec lui ».

Au bout de seulement trois minutes de film, un cheval apparut sur l’écran et Élise fondit en larmes immédiatement. Elle se prit la tête à deux mains et pleura de plus belle.

Hugo éteignit la télévision et se jeta sur Élise pour la calmer.

La jeune femme ne se sentait pas bien du tout alors Hugo l’emmena jusqu’à son lit, l’allongea puis appela un médecin.

Celui-ci arriva dix minutes plus tard. Il examina Élise et lui prescrit du repos, beaucoup de repos.

Hugo la salua et lui dit qu’il reviendrait le lendemain.

Au petit matin, il arriva les bras chargés de jus de pommes et de gâteaux faits maison.

Élise le remercia. Affamée, elle se jeta sur un gâteau.

– Huuummmm… ils sont délicieux !!!

– Dites-moi Élise, puis-je vous poser une ou deux questions ?

– Oui bien sûr, allez-y

– Est-ce de ma faute, ce qui s’est passé hier ?

– Non, pas du tout, vous ne pouviez pas savoir que je serai confrontée à ma plus grande phobie avec ce film.

– Ouf, je suis rassuré. J’hésite à vous poser ma deuxième question, elle est un peu délicate et je ne veux pas vous froisser

– Oh la la, vous me faites peur.

– Je me lance… Pourquoi portez-vous des habits si colorés, avec tant de couleurs ?

Elise grimaça et répondit :

– C’est personnel ! se braqua-t-elle.

– Je ne veux pas vous offenser mais c’est un point qui m’interroge….

Élise le regarda, perplexe. Elle se doutait qu’elle était déjà allée trop loin.

– Je vais vous raconter. Petite, j’adorais les chevaux, ils me passionnaient. Mais un jour, sans raison apparente, un cheval s’est emporté et j’ai reçu un coup de sabot dans le visage. Ces couleurs sont juste celles que j’ai vues quand je suis tombée dans les pommes !!!

*

Le lendemain soir, une tempête terrible frappa la région. Au loin des éclairs zébraient le ciel.

Elise se réveilla en sursaut à cause du tonnerre qui grondait. Apeurée, elle se recouvrit de sa couverture. Elle ne voulait plus entendre, ni voir cette tempête qui faisait rage. Elle la fuyait.

La jeune femme essaya de s’endormir mais en vain, le bruit du vent dans les arbres la ramenait toujours à elle.

Elle se mit donc à lire. Mais, tout à coup, un éclair s’abattît sur l’arbre en face de se chambre.

– Oh mon dieu, que se passe-t-il maintenant ? s’écria t’elle tout en se cachant sous la couverture.

Elle resta ainsi sans bouger de peur pendant quelques minutes pour reprendre ses esprits et son souffle. Elle choisit de se focaliser sur la lecture pour trouver l’apaisement. Et cela lui réussît plutôt bien. Soudain, un dialogue l’interpella :

  • Que fais-tu ? Tu pars ?
  • Oui?
  • Mais tu vas tout laisser en plan ?

La jeune femme hocha la tête et l’homme rétorqua en grimaçant :

  • Tu me dégoutes, tu ne fais que fuire devant tes problèmes et tes peurs, au lieu de les affronter une bonne fois pour toutes.

Elise se sentit interpelée par cette phrase.

C’est exactement ce que je fais !!! se dit-elle. Il faut que ça change !

Elle prit son courage à deux mains et s’extirpa de la couverture. Elle fut soudain prise d’un fou rire en réalisant qu’il n’y avait rien, strictement rien dans sa chambre qui puisse lui faire peur.

– J’avais peur de quelque chose qui n’existait pas. Il faut absolument que j’en parle à l’assemblée demain.

Et elle se recoucha, le sourire aux lèvres.

Le lendemain, elle affronta l’assemblée comme elle se l’était promis.

– Hier, comme le savez, nous avons été touchés par une forte tempête. Qui a eu peur de cette tempête ?

Les trois quarts de l’assemblée levèrent la main.

– Très bien, continua-t-elle, et parmi toutes ces personnes, qui est allé voir ce qui se passait ?

La salle resta muette.

– C’est bien le problème ! Nous fuyons devant nos problèmes au lieu de les affronter. Il faut que ça change. Qui est prêt à changer avec moi ?

– Mais pour faire quoi ? s’exclama une femme connue pour sa capacité à se plaindre.

– Pour affronter nos peurs et nos angoisses peut-être ! exulta Hugo.

La salle entière se leva, et tous sortirent et partirent à la recherche de leur pire angoisse. Araignées, tomates, velours, animaux en tous genre et notamment un cheval.

Une fois dans l’écurie, face à son cheval, les yeux dans les yeux, Élise se reconnecta à l’animal. Et elle ressentit pour la première fois depuis des années la joie, la passion, le partage.

La peur s’était envolée comme par magie, partie avec la tempête.

Élise regarda le ciel et le remercia d’avoir emporté ses angoisses et sa phobie.