Texte produit en atelier d’écriture à distance – vacances de Toussaint 2023

🖌 Antonin, 13 ans

La réception des Witchson

 

J’attends, depuis deux bonnes minutes, enfin peut-être cinq minutes ou un quart d’heure. Non, non ! Cela faisait déjà un jour ou deux… non une semaine, peut-être un mois, un an, deux ans, trois ans ? Non ! Un siècle ? Devant cette tour, la tour, l’horloge déréglée. J’attends, j’attends. La mort, j’attends la mort.

Cette phrase résonna dans l’esprit de Lili, comme si elle surgissait d’un océan noir et sans forme, un vieux souvenir ? Elle reprit conscience, pendant un moment, elle crut que son esprit s’était arrêté comme noyé dans ses propres pensées. Mais, elle était là, dans la salle de réception de ses géniteurs. Elle observait minutieusement chaque invité, elle tendait l’oreille pour saisir chacun de leurs propos. À la fin de la soirée, elle serait sûre de connaître les vies ennuyeuses de cent vingt-trois personnes. Lili balayait la salle du regard mais visiblement, il n’était pas encore arrivé. En attendant, elle se plaisait dans la contemplation de l’immense peinture, exposée sur l’un des murs du prétoire. Cette fresque guerrière représentait l’un des moments clé de la Guerre Magique d’Europe. Le tableau intitulé Le Siège de Londres, reprenait l’un des évènements décisifs de cette guerre. Son ancêtre Karl Witchson aurait participé à cette bataille au côté de l’Impératrice Marie 1ère.

Elle fût cependant sortie de ses réflexions par un violent tapotement sur son épaule. C’était Carlo, le majordome de sa famille. Malgré ce qu’on pourrait penser, en voyant sa taille, deux mètres quatre-vingt-dix-huit pour être précis, sa carrure impressionnante et ses poils qui le faisaient ressembler à un animal sauvage plus qu’à un homme, il restait très enfantin. On pouvait lui faire croire ce qu’on voulait. Il ne pouvait pas mentir. Ce n’est pas qu’il ne savait pas, c’est qu’il ne pouvait pas. Le pauvre n’était pas gâté, mais elle l’aimait bien, Carlo.

– Lady Witchson, la famille Philister est arrivée, votre père vous attend, informa-t-il de sa voix rauque.

– Merci de m’avoir prévenue, Carlo, répondit-t-elle, en essayant de cacher sa joie. Elle allait enfin retrouver Az, son ami d’enfance et aîné de la famille Philister. Se dirigeant rapidement vers le couloir principal, elle croisa d’ailleurs Miss Nanashky, une vieille bonne femme, aussi grossière que stupide toujours accompagnée de sa voyante, elle-même toujours accompagnée par ses bibelots magiques. Enfin magiques, c’est une question de point de vue. Lili se dépêcha de traverser le couloir principal où patientait aussi Johan Wulferberg, le scientifique dont son paternel était le mécène. Il paraissait inquiet et mélancolique, il était tout le temps comme ça.

Enfin arrivée à l’entrée, elle aperçut Az. Mais celui-ci était discret à côté de son père, Azaël Philister, qui portait d’ailleurs toujours le même chapeau haut-de-forme, et son costume toujours aussi propre et classieux. Azaël était un homme beau même avec la griffure qui s’étendait de son coup à son visage, qui selon les ragots était le stigmate du combat l’opposant à un dragon lors de son voyage au Pays de Galle. Derrière Azaël, Azazel son fils, qu’elle surnommait depuis l’enfance Az, qui, bien qu’ayant hérité des mêmes traits physiques et du goût pour l’aventure de son père, était aussi paresseux que sa mère (enfin c’est ce que raconte son père). Personne n’a jamais connu la mère d’Az à Port-Cornu. Avec sa petite tête rousse on apercevait aussi Samaël que tout le monde appelait Sam, le fils adoptif de Sir Azaël. Lili remarqua que ses parents parlaient depuis un moment au père d’Az. Profitant d’un court silence, le petit Sam dit :

– Père, puis-je amener mon esclave ? demanda-t-il de sa voix innocente. Mais son père aperçut Lili qui venait juste d’arriver.

– Ma chère Lili ! Sir Azaël était le seul adulte qui l’appelait par son surnom qu’elle préférait largement à son nom complet, Lilith. Comment vas-tu ?

– Je vais très… essaya-t-elle de répondre.

– Elle va très bien, n’est-ce pas ma chère ? dit sa génitrice, dont le sport préféré était de couper la parole de Lili et de parler à sa place, chose qui avait le don de passablement l’énerver. Elle hocha la tête, en signe d’acquiescement, sachant pertinemment qu’elle n’allait pas la laisser placer un petit oui dans la conversation. Ses yeux se sont alors levés pour rencontrer ceux de Az. Cela faisait presque six mois qu’elle ne l’avait pas vue. Quand le géniteur de Lili dit :

– Venez, ne rester pas debout, dit-il de son ton formel.